Un enfant marche seul dans l’aride désert. Le vent est fort, la violence du sable volant se fait de plus en plus sentir, alors que la chaleur du soleil est un supplice pour tout être arpentant cette terre. Pourtant ce petit, s’approchant seulement, doucement, de son adolescence, se retrouve ici à avancer, chaque pas se faisant avec difficulté, à travers ce paysage semblant ne pas pouvoir prendre fin. Se dandinant de droite à gauche, ses jambes voulaient le lâcher, mais il n’en fut rien, encore et encore, il continuait, ici seul, à marcher. Il se savait seul, il lui suffisait de regarder autour de lui, mais il ne pouvait s’empêcher d’entendre cette voix occupant son esprit. En tout cas cela semblait être une voix, mais cette chose, ce son était indescriptible. On aurait simplement dit un bruit de fond, mais en même temps il semblait tant en dire. Sans avoir besoin d’en déchiffrer les dires, il était possible de le comprendre, complètement. Et il n’annonçait rien de bon, il était les prémices du chaos, comme toujours.

Quand les cloches sonneront, quand les oiseaux noirs chanteront, quand il s’exprimera. Alors le monde finira par accepter sa condition, et le chaos regagnera sa place ici-bas. ~

Une silhouette se fit voir au loin. Puis une autre, et une autre, un groupe entier venait dans la direction de l’enfant du désert. Ce dernier, qui combattit jusque-là, comme soulageait par cette vue, ne put que retomber à la réalité, et avec son corps, son esprit s’éteint pour un temps.
Un monde noir, humide, des clapotements rythmés résonant ici et là. Marchait-il encore, ou bien est-ce ce monde qui bougeait ? Enfin, quelque chose bougeait-il vraiment ici, dans ce sombre monde ? Rien ne se passait, puis un nouveau bruit, s’approchant encore et encore. Des petits pas, grandissant à force de s’approcher. Et lorsque la personne arrivait à lui, elle l’enveloppait complètement, l’entité était maintenant immense et pourtant ne semblait pas avoir de forme. Comme si tout ce qui était ici n’était en réalité que lui. Puis un mot « Ecoute … »

Une lumière fine mais douloureuse. Ses yeux avaient du mal à s’ouvrir, mais il pouvait entendre ce qui l’entourait. Une discussion, non, plutôt un homme seul qui parle. A qui ? A lui ? L’enfant dormant. Il semblait perdu, l’intonation de sa voix montrait qu’il se trouvait au bord des larmes. Difficile de savoir tout ce qui se cachait derrière son état, mais il n’en fallut pas beaucoup pour le comprendre. Il se lâcha, complètement. « Il est responsable de sa mort … Oui, c’est de sa faute … Il ne mérite pas d’être le chef de ce village … Non il mérite de mourir ! ». L’enfant n’ouvrit finalement pas les yeux, un faible rictus se manifesta seulement à ses lèvres.
Il fallut encore un petit moment avant qu’il ne se réveil. Lorsqu’il le fit, il n’y avait personne dans sa chambre, et plutôt que d’attendre quoique ce soit, il s’en alla simplement. Partir de ce village ? Non, il avait un tout autre objectif. Tout allait commencer par comprendre ce qu’il se tramait ici, ce qu’était en réalité ce village.

Il s’agissait d’un petit village dans le désert. Petit, enfin, ça avait été le cas pendant longtemps. Un tout petit, occupé en majorité par un amas de tente formant ainsi une communauté restreinte. Un village prospère, accueillant les voyageurs pour un moment de repos. Et parfois certain de ces derniers préféraient oublier leur objectif pour finir par vivre ici. Ça avait été le cas de celui qui l’avait sauvé dans le désert, lorsque ce dernier revenait d’un voyage commercial. Et ça avait aussi été le cas de l’actuel chef du village. Il avait parcouru de nombreux lieux, avant de finir par en apprécier ce village, là où il avait choisi de finir ses jours. Mais la prospérité ne lui avait pas suffi, lui qui avait vu tant de chose, ne pouvait se satisfaire d’un minimum. Il avait été accepté par tous, apportant à ces gens de quoi mieux vivre à travers les découvertes et cultures étrangères. Tous avaient fini par l’admirer et en avaient fait finalement un chef. Cela ne lui suffisait pas encore. Il fit en sorte de transformer ce petit village, en un plus grand et ce qui allait avec cette expansion était des sacrifices. Bientôt l’identité du village allait être perdue, les premiers hommes n’étaient plus que des poussières d’un ancien temps, et le commerce était devenant l’essence même de cette terre. L’argent le premier bien, avant même la vie des personnes, on laissait alors mourir ceux n’ayant pas de quoi donner de valeur à leur vie. C’est ainsi que la femme de l’homme qui l’avait sauvé mourut, tandis que lui avait accepté de s’en aller pour avoir l’argent nécessaire à ses soins.

Ce village n’était rien de plus que le nid des maux du monde. Une conséquence et une cause. Il se passa un moment, un mois, deux, peut-être trois. Les choses avaient changé pour l’enfant, qui avait fini par être adopté par le chef du village. Vite considéré comme un enfant caché, un enfant qu’il aurait eu avec une femme du bas peuple, d’un temps trop ancien pour lui, là où l’amour avant encore sens pour lui. Il aurait normalement voulu le tuer, mais peut-être que ces sentiments d’antan étaient trop grands, ou l’illusion du fils parfait pouvant hériter de son nouveau monde et le fait grandir encore lui avait suffi. L’enfant en effet répondait à tous les critères, il apprenait vite et il avait aussi ses propres connaissances permettant de tirer toujours plus. Un être paraissant parfait, celui dont il avait besoin sans même en avoir connaissance jusque-là.
L’illusion parfaite. La pire souffrance pour un homme est de voir son monde, ce qu’il tient le plus pour lui, s’effondrer. Mais plus encore, si cela est causé par ce qu’il a aimé, auquel il accordait le plus d’attention et le plus d’espoir. Le village était devenu le miroir de l’enfer, les flammes devenaient de plus en plus grande, le peuple mourrait des mains du peuple. Un peuple s’approchant de la demeure du chef, pour lui prendre sa tête. Lui voyant ça du haut de son perchoir, n’eut qu’une solution, s’enfuir. Mais voilà que son fils en avait décidé autrement, sourire aux lèvres, il s’approchait du père effrayé, un câlin, en tout cas ce qui semblait l’être allait rendre immobile le paternel. Bloqué, comme une statue, allant pouvoir admirer sa mort en plus de celle de sa création. Non pas l’enfant, mais le village.

« Ecoute … Entends-tu les portes de l’enfer s’ouvrant à toi pour t’offrir la plus belle des scènes ? »

Le village était mort de l’intérieur, les cadavres jonchaient le sol. Un enfant se tenait au milieu des flammes, lorsqu’un marchant passant arriva, découvrant l’horreur de la situation, il ne put faire autrement que de sortir cette âme innocente de cet enfer. Lui apporter l’amour nécessaire, celui d’un père, pour lui faire oublier ce traumatisme. L’emmenant ainsi avec lui, jusqu’au prochain village …